SKAB




Reportage paru dans le Journal des Halles n° 30 – Été 2015
Texte : Jacques Maigne
Damien Sanchez, l’ancien second de Jérôme Nutile, a rejoint il y a quelques mois l’une des tables prometteuses de Nîmes. L’homme est discret.
Le chef très expressif.
Il a un parcours à faire pâlir ses confrères plus âgés (Cabre d’Or aux Baux, Réserve de Beaulieu à Nice, Coutanceau à La Rochelle, Le Castellas à Collias), et a repris les cuisines du Skab il y a un peu plus d’un an. Pour son associé Alban Barbette, sommelier et chef de salle, c’est un cadeau du ciel. Le Skab de la rue de la République (qui attend avec optimisme l’ouverture du futur musée de la Romanité) est plus que jamais décidé à jouer dans la cour des grands. Damien le discret, le bosseur perfectionniste, rêvait d’exprimer au grand jour, et à son compte, tout ce qu’il a pu observer et expérimenter au fil de son très riche voyage initiatique. Le jeune nîmois formé à l’Étincelle, fils de rapatriés d’Algérie, a appris tour à tour la rigueur, la précision des cuissons, l’art complexe des sauces, la modernité sans esbroufe et la passion quotidienne du produit frais. Théorie bien léchée ou discours séduisants ne sont pas sa tasse de thé.
Son île intime, elle court tout autour du piano et tout ce qu’il peut dire est là, dans ses assiettes.
Si, quand même, il définit son credo en deux mots : fraîcheur et gourmandise. C’est sa seule ligne de conduite et il s’y tient au cordeau, et sans compromis. Quand il envoie pour sa formule déjeuner une truite saumonée de l’Ardèche avec purée de petits pois ou un quasi de veau aux asperges, il y met le même soin, la même précision que pour ses plats plus gastros des menus ou de la carte du soir. Genre ses langoustines aux spaghettis à l’encre de seiche, son filet de taureau et foie-gras avec chou farci au paleron et queue de taureau ou son barbajuan de cuisses de pigeon des Costières. Pour reprendre sa philosophie lapidaire, c’est d’une fraîcheur exemplaire et diablement gourmand. Mais Damien le discret est aussi un professionnel généreux. Et pas du tout cachottier.
Pour le Journal des Halles, il livre sans hésiter le secret de sa plus belle création, celle dont il est le plus fier et qui annonce à elle-seule tout ce dont il sera capable demain.
Pour le Journal des Halles, il livre sans hésiter le secret de sa plus belle création, celle dont il est le plus fier et qui annonce à elle-seule tout ce dont il sera capable demain.
Son lasagne d’huîtres vaut à lui seul le voyage rue de la République. Cuisiniers amateurs, à vos carnets. D’abord, pâte fraîche (et maison) pour la lasagne. Ensuite, une écume de chou-fleur, blanc de blette et fondue d’épinards, deux ou trois huîtres tiédies doucement avec une poignée de coques. Enfin, une sauce sublime avec le jus d’huîtres et coques, lait, crème fraîche, beurre, piment d’Espelette mixé avec deux huîtres, le tout surmonté de la lasagne. Petite merveille d’onctuosité et de goûts océaniques, bâtie sur le produit de base, à peu près inconnu dans nos contrées : la Papin n° 3, la Rolls charentaise des mollusques bivalves, que Damien préfère à sa rivale normande, la fameuse Gillardeau. Pour les curieux, le jeune artiste du Skab réserve cette huître d’exception à la poissonnerie « Le Vivier » à l’angle du Cadereau et de la route de Sauve.